12 / Fév

A la croisée du droit d’auteur et de l’art conceptuel

Le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné, le 8 novembre 2018, l’artiste américain Jeff Koons pour contrefaçon à l’égard d’une publicité intitulée « Fait d’hiver » de la marque de vêtements Naf-Naf imaginée par le publicitaire Franck Davidovici. …

Le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné, le 8 novembre 2018, l’artiste américain Jeff Koons pour contrefaçon à l’égard d’une publicité intitulée « Fait d’hiver » de la marque de vêtements Naf-Naf imaginée par le publicitaire Franck Davidovici. Il condamne le plasticien, sa société et le Centre George Pompidou, qui avait exposé la sculpture en cause lors d’une rétrospective, à payer solidairement 135 000 € de dommages et intérêts.

En l’espèce, le visuel d’origine représente un cochon, ayant autour du cou un tonneau de Saint-Bernard, qui porte secours à une femme lors d’une avalanche. Quant à l’œuvre du plasticien, il s’agit d’une femme allongée dans la neige secourue par un cochon vêtu d’un collier de fleurs.


Dans un premier temps, le juge s’est interrogé sur l’originalité de la photographie « Fait d’hiver » permettant d’accorder la protection du droit d’auteur. Ainsi, la photographie constitue bien une œuvre de l’esprit en raison « d’une certaine créativité de la part de son auteur donnant à la mise en scène l’empreinte de sa personnalité ».


Puis, le juge s’est intéressé à la qualification de la contrefaçon en comparant les ressemblances des deux œuvres. Bien que le plasticien revendique sa démarche artistique qui s’inscrit dans une appropriation « à des fins créatives, les composantes de la photographie « Fait d’hiver » pour la transformer en une œuvre nouvelle et indépendante », le critère d’originalité de l’œuvre nouvelle n’a pas été retenu et ainsi, le risque de confusion entre les œuvres a été constaté. Le juge rappelle, par ailleurs, que dans le cadre d’une œuvre composite, l’adaptation de l’œuvre initiale ne peut se faire qu’avec l’autorisation de son auteur.


Ainsi, ce jugement témoigne de la difficulté de concilier le droit d’auteur avec l’art conceptuel où il n’est pas aisé d’en déceler le critère d’originalité.

Dans cette perceptive, Marcel Duchamp, célèbre artiste contemporain, avait énoncé face aux critiques de son œuvre la plus connue « Fontaine » : « qu’est-ce faire ? Faire quelque chose, c’est choisir un tube de bleu, un tube de rouge, en mettre un peu sur sa palette, et toujours choisir la qualité du bleu, la qualité du rouge et toujours choisir la place sur laquelle on va mettre sur la toile, c’est toujours choisir. Alors pour choisir, on peut se servir de tubes de couleur, on peut se servir de pinceaux, mais on peut aussi se servir d’une chose toute faite, qui a été faite ou mécaniquement, par la main d’un autre homme, même, si vous voulez, et se l’approprier puisque c’est vous qui l’avez choisi ».

TGI Paris, 3ème chambre, 1ère section, n° RG 15102536

Par Pauline Michailides, stagiaire