23 / Sep

Vers un déréférencement mondial appliqué aux moteurs de recherche

On se souvient du très retentissent arrêt rendu le 13 mai 2014 dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a reconnu que toute personne peut demander à un moteur de recherche d’effacer les résultats apparaissant en cas …

On se souvient du très retentissent arrêt rendu le 13 mai 2014 dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a reconnu que toute personne peut demander à un moteur de recherche d’effacer les résultats apparaissant en cas de recherche à partir de son nom.

L’affaire avait démarré au niveau national : un citoyen de nationalité espagnole, fort mécontent de constater que certaines de ses anciennes données étaient toujours accessibles sur le web, avait saisi l’Agence Espagnole de Protection des Données (Agencia Espagnola de Proteccion de los Datos (AEPD), pour que cette dernière enjoigne aux moteurs de recherche de les retirer. L’AEDP avait droit à ces demandes mais Google Spain et Google Inc. avaient alors formé un recours, ce qui incita l’Autorité nationale à saisir la CJUE d’une question préjudicielle portant sur l’applicabilité du droit européen de la protection des données personnelles (notamment la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ) à de tels acteurs techniques.

La CJUE en a déduit que les personnes disposent d’un droit à demander le déréférencement, auprès des moteurs de recherches, de résultats en lien avec leur identité, sous réserve de certaines conditions et notamment de l’intérêt du public à avoir accès à l’information.

Depuis lors, la société Google comme tous les autres moteurs de recherche a été contrainte de mettre en place une procédure de déréférencement accessible aux internautes. Elle a reçu plusieurs dizaines de milliers de demandes de citoyens français et a procédé au déréférencement de certains résultats sur les extensions européennes du moteur de recherches (.fr ; .es ; .co.uk ; etc.). Mais elle se refusait toujours à procéder au déréférencement sur les autres terminaisons géographiques ou sur google.com, extensions que tout internaute peut consulter alternativement s’il consulte le moteur de recherche en Europe.

En mai 2015, la Présidente de la CNIL, Madame Isabelle FALQUE-PIERROTIN, a donc mis en demeure la société Google de procéder au déréférencement sur tous les noms de domaine de son moteur de recherche. Fin juillet, Google a décidé de former un recours gracieux demandant à la Présidente de procéder au retrait de cette mise en demeure publique.

La société Google faisait valoir notamment que cette injonction entraverait le droit à l’information du public et qu’il s’agirait d’une forme de censure. Elle considérait en effet que cette décision traduisait une volonté d’application extraterritoriale du droit français par la CNIL.

Dans un communiqué datant du 21 septembre 2015, la présidente de la CNIL a décidé de rejeter ce recours gracieux, en considérant notamment que :

Les extensions géographiques ne sont qu’un chemin d’accès au traitement. Dès lors que le déréférencement est accepté par le moteur de recherche, il doit s’opérer sur toutes les extensions conformément à l’arrêt de la CJUE ;
Si le droit au déréférencement était limité à certaines extensions, il pourrait être facilement contourné : il suffirait de changer d’extension (ex : de faire une recherche en France sur google.com), c’est-à-dire de mode d’accès au traitement, pour retrouver le résultat du déréférencement. Cela reviendrait donc à priver d’effectivité ce droit, et à faire varier les droits reconnus aux personnes en fonction de l’internaute qui interroge le moteur et non en fonction de la personne concernée ;
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnait aux résidents européens des droits fondamentaux, dont le respect de la vie privée et familiale et la protection des données à caractère personnel. Si ces droits ne peuvent conduire à protéger des non-résidents européens, ils s’appliquent en revanche aux entreprises qui traitent les données des résidents européens. La protection accordée au citoyen européen doit, pour être effective, s’appliquer à l’ensemble du moteur de recherche, quitte, le cas échéant, à ce que cela ait des effets ponctuels en dehors de ce territoire.
S’agissant du droit à l’information du public qui reste une limite légitimement opposable à la demande de la personne de la personne concernée, la CNIL rappelle que le droit au déréférencement n’entraîne jamais la suppression de l’information d’internet mais empêche uniquement l’affichage de certains résultats sur le moteur en cas de recherche effectuée sur la seule base du nom de la personne.

L’information reste donc accessible directement sur le site source ou par la recherche d’autres termes.

Par ailleurs, ajoute la CNIL, ce droit n’est pas absolu : il doit être concilié avec la liberté d’expression et le droit à l’information du public, notamment lorsque la personne concernée est une personne publique, sous son double contrôle et du juge.

Le recours gracieux étant rejeté, Google doit dès à présent se conformer à la mise en demeure.

A défaut, la Présidente de la CNIL pourra désigner un rapporteur qui pourra saisir la formation restreinte de la CNIL afin qu’elle se prononce sur ce dossier et lui impose des sanctions.

La société Google se pliera-t-elle enfin à la décision de la CNIL ? A suivre……