08 / Juin

Les Républicains, application du droit des marques dans un débat politique

Il existe quatre-vingts dix neuf marques qui font référence au terme «républicains» d’après les ressources de l’Institut National de la Propriété Industrielle. Pourtant, la fin du mois de mai 2015 a été secouée par une grande polémique autour de ce …

Il existe quatre-vingts dix neuf marques qui font référence au terme «républicains» d’après les ressources de l’Institut National de la Propriété Industrielle. Pourtant, la fin du mois de mai 2015 a été secouée par une grande polémique autour de ce terme. Pour cause, l’Union pour un Mouvement populaire (UMP), parti politique français de droite, a décidé de changer de dénomination pour s’appeler désormais «Les Républicains ».

Un débat bien évidemment politique, mais au delà de la question de la légitimité pour l’UMP de choisir cette appellation, il s’agissait bien pour les opposants d’empêcher le dépôt de la marque « Les Républicains» effectué par la SAS Aubert Storch Associés Partenaires. Une opposition qui était donc juridique et non exclusivement politique.

Dans ce litige, les plaignants revendiquaient l’interdiction d’utiliser un mot qui appartiendrait à la chose publique « res publica» non susceptible d’appropriation privée.

Ainsi, c’est dans cette optique que Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, avait décidé de mener une action en justice contre l’utilisation de la marque car pour lui «si la République est une et indivisible, les Républicains sont pluriels et variés. […] Aucun parti, aucune faction ne peut prétendre détenir seul un titre qui appartient à tous». Il souhaitait obtenir la nullité de la marque qu’il considérait comme un «hold-up sémantique».

Avant de s’interroger sur la question uridique qui était posée, il convient de rappeler qu’en référé la nullité d’une marque ne peut être prononcée par un juge, ce débat relevant du fond. De plus, seule la marque semi-figurative, en couleur, enregistrée le 6 mars 2015 sous le n° 4132642, et la marque semi-figurative, en couleur, enregistrée le 6 mars 2015, sous le n° 4132642 ont pu faire l’objet d’une analyse par les juges car les autres marques, dont la marque nominative, n’ont pas encore fait l’objet d’une délivrance de certificats par l’INPI.

C’est le tribunal des référés de PARIS qui, saisi en urgence par quatre associations et partis de gauche et près de 145 particuliers, dont cinq portant le nom de famille Républicain, a rendu une décision sur l’avenir de la marque.

Ainsi, pour le tribunal par une décision du 26 mai 2015, il n’y a pas lieu d’empêcher l’UMP d’utiliser sa nouvelle appellation car l’ensemble « les républicains » même s’il est composé de deux mots courants, le terme « républicains » précédé de l’article défini pluriel « les », et d’un logo représentant un R aux trois couleurs de la République, est suffisamment arbitraire au regard des produits et services visés au dépôt de la marque pour être perçu par le consommateur moyen comme un signe permettant d’identifier l’origine du produit ou du service, le terme n’ayant pas été déposé pour désigner l’activité politique d’un parti.

D’autant plus que « les demandeurs ne prétendent pas exploiter ce signe ni en être privés dans la vie des affaires; ils prétendent seulement que l’UMP tente de s’approprier un symbole de la République dans la vie politique et non au regard d’une activité commerciale limitée aux produits et services visés au dépôt.

Ce dépôt n’ayant pas été fait dans le but de nuire à un concurrent dans la vie des affaires ni à détourner le droit des marques au regard des produits visés, ce moyen est également sans fondement.»

De même, concernant les noms patronymiques « aucune confusion ne peut intervenir entre le patronyme Républicain, dont il n’est pas prétendu qu’il est également utilisé par l’une des parties à titre de marque dans son activité, et les deux marques enregistrées, de sorte que la demande des consorts Républicain est également mal fondée. Pour tous ces motifs, le trouble manifestement illicite et le dommage imminent, tels qu’ils résultent du code de la propriété intellectuelle, ne sont pas établis.»

Les juges ont, sans surprise, rejeté les prétentions de demandeurs en faisant une pleine application du droit des marques. Ils font tout simplement appel aux fonctions de la marque ainsi qu’aux règles du droit des marques pour écarter sans que ne soient critiquables les prétentions des parties.

En effet, si on s’intéresse au fondement juridique de plus près, le logo n’entre pas en opposition avec la Convention de l’Union de Paris qui prévoit que « Le drapeau de la France ne peut pas être utilisé comme élément de marque. Les Etats signataires (dont la France) de la Convention d’Union de Paris ont posé l’interdiction d’utiliser les signes officiels comme marques ou éléments de marques ».

L’élément de marque caractérisé par un drapeau officiel est considéré comme étant illicite.
De façon générale, ne peuvent être ainsi enregistrés comme éléments de marque, les signes :
• qui entrent dans le champ des signes interdits par les textes internationaux,
• qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs,
• dont l’utilisation est légalement interdite,
• déceptifs, c’est à dire de nature à induire le public en erreur»

De même, le terme « républicains » en l’espèce n’est pas utilisé de manière descriptive et n’est pas non plus générique car il ne décrit pas les produit et services pour lesquelles les marques ont été déposées (Article L711-2 du CPI). Certes, le terme pourrait être qualifié de «faible» mais il est suffisamment distinctif et ne forme qu’un simple rappel symbolique.

Il n’y a aucune atteinte à l’ordre public, d’ailleurs les demandeurs qui utilisent ce moyen ne démontrent pas eux même en quoi «le fait de déposer deux marques semi-figuratives et en couleurs « les R Républicains » pour les produits ct services visés au dépôt serait contraire à l’ordre public puisqu’il ne s’agit d’aucun appel à transgresser la loi ou d’aucun éloge d’un acte délictueux.»

Mais il convient de rappeler que les juges des référés sont les juges de l’urgence et ne statuent ainsi que sur les troubles illicites qui nécessitent une action rapide. Il reste pour les plaignants la voie du fond qui nécessitera, elle, beaucoup plus de temps. Ces derniers semblent déterminer à obtenir malgré tout gain de cause, Christophe Lèguevaques songe par ailleurs faire appel de la décision. Les débats et sondages sur ce sujet ne sont certainement pas terminés mais les juges ont clairement démontré que juridiquement l’opposition va devoir bien étudier les limites du droit des marques si elle entend faire annuler la marque.

Par Jessica Sababady