Œuvres générées par intelligence artificielle : l’auteur reste-t-il humain ? 

En 2020, nous posions une question qui paraissait alors presque théorique : « Quel droit d’auteur pour les œuvres créées par une intelligence artificielle ? » (https://www.baldassari-avocats.com/quel-droit-dauteur-pour-les-oeuvres-creees-par-une-intelligence-artificielle/)

Quatre ans plus tard, les IA génératives se sont imposées dans le paysage créatif. Capables de produire textes, images, musiques ou vidéos à partir d’instructions simples – les prompts – elles suscitent un enthousiasme, mais aussi de nombreuses interrogations juridiques. Au cœur de celles-ci : la notion même d’auteur et la protection des œuvres existantes utilisées lors de l’entraînement des modèles.

  • Une création sans auteur ?

L’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle réserve la qualité d’auteur à la personne physique ayant réalisé l’œuvre. En France comme aux États-Unis, la position est aujourd’hui claire : une création générée sans intervention humaine significative ne peut être protégée par le droit d’auteur.

Cette position a été récemment confirmée aux États-Unis par deux évènements majeurs :

  • Le rapport du U.S. Copyright Office publié en janvier 2025, qui affirme que seule une création issue d’une intervention humaine peut bénéficier du copyright ;
  • L’arrêt Thaler v. Perlmutter rendu en mars 2025, qui refuse l’enregistrement d’un droit d’auteur pour une image générée par IA sans auteur humain identifié.
  • Créations par IA : œuvres originales ou contrefaçons déguisées ?


Autre question importante : que penser des œuvres générées à partir de bases de données contenant des contenus protégés ? Car les modèles d’IA sont généralement entraînés sur des textes, images, musiques ou vidéos déjà existants.

Tant que l’œuvre finale ne reproduit pas de manière reconnaissable une œuvre préexistante, le risque de contrefaçon resterait limité. La jurisprudence, française comme européenne, rappelle en outre que ni le style, ni le concept d’une œuvre ne sont protégés

Mais le débat s’intensifie dès lors que l’on peut démontrer un rapprochement excessif à une œuvre précise, ou un parasitisme manifeste. Ce fut le cas en mars 2025, lorsque des milliers d’images imitant le style du Studio Ghibli ont circulé sur les réseaux sociaux. L’IA s’était probablement entraînée sur des images tirées des films du studio, sans autorisation préalable. Si l’imitation de style n’est pas en soi illicite, le caractère systématique et massif de l’exploitation a nourri la controverse.

  • Fouille de textes et données : un usage légal sous conditions

Pour encadrer l’entraînement des IA, le législateur européen a posé des limites.


La directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, transposée en droit français, introduit une exception de fouille de textes et de données (text and data mining – TDM) qui prend deux formes :

  • Une exception à finalité de recherche scientifique, réservée aux organismes de recherche, sans possibilité d’opposition des titulaires de droits (article L.122-5-3-II CPI) ;
  • Une exception ouverte à tout usage, à condition que les titulaires de droits puissent s’y opposer expressément (opt-out – article L.122-5-3-III CPI).

En pratique, cette opposition reste difficile à exercer efficacement.

Par ailleurs, la jurisprudence devra se prononcer au cas par cas sur l’application de cette exception.  Le Tribunal régional de Hambourg a rendu le 27 septembre 2024 une première décision judiciaire en considérant que la reproduction d’une photographie dans un set de données n’est pas contrefaisante car couverte par l’exception de fouille de textes et de données à des fins scientifiques.

En attendant, certains médias tels que le Monde qui, après s’être doté d’une clause d’opt-out, ont conclu des partenariats avec OpenAI et Perplexity.

Plus récemment, le règlement européen 2024/1689 sur l’intelligence artificielle adopté en juin 2024 renforce ces exigences en créant une obligation de transparence qui impose aux fournisseurs d’IA à usage général, y compris lorsque les modèles sont publiés dans le cadre d’une licence libre et ouverte de mettre à disposition du public un résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé.

  • Vers une nouvelle économie de la création ?


Face à ces évolutions, la question d’une juste rémunération des auteurs dont les œuvres ont servi à l’entraînement des IA devient centrale. Plusieurs pistes sont évoquées notamment à travers le rapport du CSPLA sur la rémunération des contenus culturels utilisés par les systèmes d’intelligence artificielle  https://www.culture.gouv.fr/fr/nous-connaitre/organisation-du-ministere/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique-CSPLA/travaux-et-publications-du-cspla/missions-du-cspla/le-cspla-publie-le-rapport-de-mission-relative-a-la-remuneration-des-contenus-culturels-utilises-par-les-systemes-d-intelligence-artificielle : systèmes de licences collectives, redevances proportionnelles aux usages (quantité, fréquence, finalité commerciale), ou encore mécanismes de traçabilité des données intégrées aux modèles. Le chantier est vaste, tant d’un point de vue technique que juridique. Il nécessite sans doute également une sensibilisation aux risques de dilution de la création humaine et perte de diversité culturelle.

L’émergence des IA génératives bouleverse les fondements du droit d’auteur : elle interroge à la fois la notion d’auteur, la définition d’originalité, et le respect des droits préexistants. Le cadre juridique, encore en construction, tente d’apporter des réponses équilibrées.

Vous avez des questions sur l’utilisation des IA ? Notre Cabinet intervient dans ce domaine !

Pour nous contacter : contact@baldassari-avocats.com.

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Julie Gautier

Avocate collaboratrice

Inscrite au barreau de Marseille depuis 2021, Julie possède un Master 1 en droit des affaires, un Master 2 en droit de la propriété intellectuelle ainsi qu’un DJCE. Ses expériences au sein de Cabinets d’avocats et d’entreprises comme le Groupe M6 lui permettent de saisir les enjeux complexes de la propriété intellectuelle et d’accompagner les créateurs et entrepreneurs dans leurs besoins en la matière.

Egalement médiatrice, cette compétence enrichit sa pratique du droit pour faciliter le dialogue en cas de conflit et favoriser des solutions amiables et créatives.

Passionnée par la transmission, Julie intervient en tant que chargée d’enseignement au sein du Groupe Mediaschool où elle enseigne le droit du numérique. Elle accompagne aussi régulièrement les étudiants dans leur orientation professionnelle via la plateforme Myjobglasses pour partager son expérience.

En parallèle de son activité, Julie a été membre élue de la Commission du Jeune Barreau de Marseille de 2021 à 2024 et est membre de plusieurs associations, dont :

Julie adore l’artisanat et la culture provençale, et aime participer à la protection de ces domaines. Elle pratique également le yoga et la randonnée, des activités qui renforcent la concentration et la persévérance, des qualités essentielles pour exercer la profession d’avocat.

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